M. Cornu u.a.: Archives et recherche

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Titel
Archives et recherche. Aspects juridiques et pratiques administratives


Autor(en)
Cornu, Marie; Fromageau, Jérôme
Erschienen
Paris 2003: L'Harmattan
Anzahl Seiten
209 p.
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Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Gilbert Coutaz

A la faveur des réflexions menées sur la réforme de la loi française du 3 janvier 1989 sur les archives (à ce jour non aboutie), un colloque a été organisé, les 25 et 26 mai 2000, à la Faculté Jean Monnet – Université Paris Sud, à Sceaux, avec participation d’archivistes étrangers.

La première thématique abordée, celle des archives et du droit, tire son origine du constat, trop souvent oublié dans les administrations, qu’un document est qualifié d’archives dès l’origine et que ce n’est pas l’ancienneté ou la date qui fait la qualité d’archives. Toute la chaîne de traitement de l’information pose des problèmes juridiques estimés en tant que tels quels que soient les moments, là où l’archiviste juxtapose les étapes dans un grand mouvement linéaire qui doit lui permettre de faire entrer dans le domaine public les documents. En ce sens, les politiques de collecte et de versement, les relations entretenues entre d’une part les archivistes et les producteurs d’archives et les utilisateurs d’autre part sont imprégnées de droits spécifiques qui doivent être identifiés correctement et à leur juste proportion pour accompagner toute la démarche des archivistes.

La question de l’accès aux archives constitue la deuxième thématique des actes. Elle reçoit des interprétations changeantes selon les périodes et les cultures administratives. En ce sens, l’étude comparative de différentes lois sur les archives et des administrations qui les ont élaborées, en Italie, Angleterre et aux Etats-Unis, et des traditions nationales en matière de diffusion de l’information soulignent les enjeux autour de la consultation et de la recherche. Dans la typologie des conditions d’accès, la palette est large allant de la grande libéralité avec déclassifications anticipées et grande facilité des dérogations jusqu’à une forte tradition de secret.

L’exploitation scientifique des archives, qui correspond au troisième sujet du colloque, fait ressortir les attentes conflictuelles entre les utilisateurs et celles qui sont définies par le législateur, la séparation incertaine dans de nombreux cas entre domaine public et domaine privé. La question spécifique de la recherche sur les archives politiques est abordée comme interrogation propre. Elle est particulièrement débattue parmi les archivistes français, et constitue un point sensible du projet de nouvelle loi sur les archives. L’expression recouvre les archives des personnalités ayant exercé une activité gouvernementale et celles des présidents. Si le caractère public leur est reconnu, elles sont néanmoins traitées comme des archives privées, imposant leurs règles spécifiques de consultation. Les archivistes des collectivités les revendiquent comme faisant partie de leur champ d’investigation, mais se sont longtemps heurtés à des murs d’incompréhension. Depuis le septennat de Giscard d’Estaing, des dispositifs plus ou moins satisfaisants ont été mis en place pour garantir les attentes réciproques des archives et des détenteurs des archives et permettre leur venue à terme dans le domaine public. La rédaction de protocoles s’est imposée comme une solution médiane pour régler ce type de situations que la formule du versement obligée dans l’institution centrale ou aux Archives départementales ou municipales ne permettait pas de résoudre. Les exemples donnés du traitement des archives des présidents François Mitterrand et Jacques Chirac, et de leurs gouvernements, ainsi que des archives de Gaston Defferre pour la Ville de Marseille démontrent l’obligation de s’adapter à des contraintes fixées par le détenteur, dont les archivistes doivent atténuer les effets de la privatisation croissante. Les archives publiques qui devraient être un bien collectif subissent les assauts, souvent abusifs et implacables, de leurs détenteurs, le fait du prince. L’ouvrage démontre que les archivistes ne peuvent pas abandonner ce sujet au simple vouloir du détenteur, ils doivent pouvoir assumer avec tous les moyens juridiques et légaux à leur disposition la collecte de documents qui composent la mémoire d’un pays, ou d’une ville. Signalons au passage dans la problématique de l’exploitation des archives celle du droit d’auteur qui n’apparaît pas dans la loi de 1979 et qui émerge à l’usage: relations entre documents et droits d’auteurs. Chaque document est à la base une création, certains documents sont des oeuvres de l’esprit au sens du droit d’auteur et imposent des précautions dans leur utilisation.

Bien plus que des éléments temporels qui fixent ce qui est ouvert et ce qui est fermé, il faut rechercher les résonances attachées au mot archives selon les milieux qui l’abordent. Philippe Bélaval, alors directeur des Archives de France, pose de manière sensible dans l’introduction au colloque ce qui est vécu au travers de la notion des archives. A juste titre, il rappelle que les documents d’archives entretiennent un rapport privilégié avec le droit; longtemps, ils n’ont été considérés que pour leur force probatoire et leur contenu juridique, et ce seul critère justifiait leur conservation. Dès que les droits devenaient caducs, ils étaient rejetés des inventaires. Depuis le XIXe siècle, ils sont devenus des éléments de la connaissance du passé, des composantes de l’identité locale, régionale ou nationale, des attentes légitimes du citoyen, à savoir ce que les autorités ont décidé ou voulu, et les fondements du fonctionnement de toute administrative qui doit montrer et démontrer, attester et diffuser.

La publication des actes fait ressortir que le débat autour des textes législatifs qui régissent les documents d’archives dépasse largement une réflexion technique et pratique; elle relève principalement de sensibilités culturelles, de traditions de la communication et du secret, elle est du domaine politique et sociétal. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que la refonte de la loi française sur les archives, demandée par tous les partenaires, crispe encore les esprits et que mettre à disposition des archives pour des périodes récentes (régime de Vichy, guerre d’Algérie) ne s’impose pas comme une évidence en France. Dans ses pratiques, l’archiviste est nécessairement en contact à la fois avec les producteurs avec lesquels il entretient des relations de confiance pour que les documents lui soient livrés, et avec les utilisateurs des archives devant qui il garantit l’accès aux documents et il est le gardien du contenu. Il a un rôle de pivot et de médiateur entre les obligations de l’acquisition et celle de la communication, entre les attentes des producteurs et celles des utilisateurs. Est-ce qu’au nom du droit, toute information fait partie du domaine public, ou bien, faut-il concevoir une «domanialité de l’information» dont le citoyen et le chercheur seraient momentanément ou durablement privés? La question posée par Jean-Michel Bruguière pointe sur la marge de manoeuvre, souvent étroite, entre l’information et la réserve de consultation, entre les attentes citoyennes et scientifiques et les attitudes prudentes des autorités et des administrations.

La publication des actes du colloque vaut par la hauteur de la réflexion et le matériau accumulé. Elle est de référence pour tous les intervenants dans la création, la collecte, la communication et l’exploitation des archives. C’est bien parce qu’elles sont plus que l’expression d’un droit, mais l’expression d’une liberté, que les archives sont importantes, si ce n’est essentielles dans la relation entre l’accès et la mise en oeuvre des libertés publiques. Le rejet des archives est nécessairement une atteinte aux droits de chaque citoyen et un recul de la connaissance individuelle et collective.

Citation:
Gilbert Coutaz: compte rendu de: Marie Cornu, Jérôme Fromageau: Archives et recherche. Aspects juridiques et pratiques administratives. Paris, L’Harmattan, 2003. Première publication dans: Revue Suisse d’Histoire, Vol. 54 Nr. 3, 2004, p. 347-349.

Redaktion
Veröffentlicht am
20.12.2011
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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